lundi 7 décembre 2009

Eid al-Adha- premier jour, Syrie et compagnie...

Je pars, je pars pas, je pars, je pars pas…. Jusqu’à la dernière minute, entre les deux mon cœur balance ! D’un côté, les ficelles de ma bourse ainsi que les mises en garde de mon prof de libanais me refroidissent considérablement… De l’autre, l’envie de voir, enfin, Damas me démange les pieds… et puis tant pis, advienne que pourra, je pars !

Et oui, nous avons eu quatre jours de conges le WE dernier pour marquer l'Eid Al-Adha, la fête qui clôt le pèlerinage à la Mecque, et j'ai décidé d'aller faire trois petits tours en Syrie.

Mes aventures débutent à la gare routière de Beyrouth, où je me fais arnaquer de $20 pour un trajet qui coûte la moitié… « c’est l’Eid » on me dit… tu parles Charles ! Bref, je prends quand même place dans un taxi blanc, où se trouve déjà une petite famille qui arrive de Tripoli/Trablous : Mustapha et Hanna, ainsi que leur trois petits garçons-Nasrallah, Halib et Hassan. La jeune femme parle un peu anglais, et, avec mes 4 mots de libanais, on arrive à former une pseudo-conversation. Mon interlocutrice est entièrement recouverte d’une grande abaya noire, et impeccablement coiffée d’un hijab de la même couleur. Elle est syrienne, mais, cette année, a retrouvé son mari qui bosse ‘entre Jounié et Tripoli’. A 29 ans, elle attend son quatrième : « it’s too much »...ayant 7 frères et sœurs, ainsi que 12 ( !) beaux-frères et belles-sœurs, j’imagine qu’il y a de la pression familiale. Elle me dit aussi qu’elle s’ennuie beaucoup à Trablous : pas de sœurs, pas de mère, pas de cousines… Je lui suggère d’aller voir s’il existe des associations, mais je me rends compte maintenant que c’est bien une idée d’européenne ça ! la société civile libanaise, si elle a le mérite d’exister, est quand même peu visible, et dans ce pays où trouver quelconque information relève parfois de l’exploit, ça m’étonnerait qu’elle trouve facilement équivalent de nos clubs de bridge.

Au bout d’une demi-heure d’attente, on récupère deux autres passagers, et enfin, le taxi rejoint les monstrueux embouteillages qui bloquent la route vers la Syrie.

On accède à la frontière, non sans une certaine appréhension de ma part… j’ai tout entendu à propos des visas : de ceux qui se font refouler, des Américains qui attendent 6 heures, des prix exorbitants que l’on demande… mais finalement, je passe sans problème- l’avantage d’être une touriste hors saison, c’est qu’il n’y a personne dans les files réservées aux « foreigners », contrairement aux files pour syriens et libanais qui sont bondées. Dans l’ordre, il faut ainsi : sortir du territoire libanais (premier poste, première queue, premier tampon), acheter un visa syrien (deuxième poste, deuxième queue), valider ledit visa (même poste, troisième queue, deuxième tampon), puis valider le permis d’entrée du taxi sur le sol syrien ( troisième poste, quatrième queue-en voiture), payer les taxes d’entrée dudit taxi (quatrième poste, cinquième queue-en voiture), dernière vérification des permis d’entrée par un soldat (cinquième poste, sixième queue), et –ma partie préférée-, payer un dernier petit bakchich au militaire qui se tient à la sortie du poste de frontière… Le mec s’accoude à chaque taxi qui passe, papote un peu avec le taximan, tandis que ce dernier lui glisse quelques billets… authentique ! On me fera plus tard la judicieuse remarque, que, pour qu’un tel système existe, tous les échelons des responsables doivent toucher leur part du butin, et que finalement, le gros soldat de la barrière, doit pas tant que ça… c’est quand mm dingue !

Bref, welcome to Syria ! Un énorme portrait du président Bachar Al-Assad nous accueille... l'esprit Big Brother n'est jamais loin..

En empruntant le portable d’un de mes compagnons de voyage- je fixe un rdv avec Amanda, mon amie suédoise faisant partie elle aussi de la mafia St A : retrouvailles prévues devant l’ambassade de France. Une fois arrivée à la station de bus, on m’aide à négocier un taxi pour le centre de Damas (je paye toutefois le double d’un trajet normal-vivent les touristes), et me voila partie dans les méandres de cette ville- mon taxi driver essaye tant bien que mal à faire la conversation, mais j’avoue que je suis un peu larguée ! Il me largue aussi au sens propre en me laissant devant la mission économique de l’ambassade de France, et non l’ambassade elle-même…. Mmm, ne paniquons pas !!! Au bout d’une dizaine de minutes, j’accoste une jeune passante qui me guide vers l’endroit convenu : St A est de nouveau réuni !

Bien que suédo-icelandaise, Amanda travaille à l’ambassade du Canada : elle suit les procès perpétrés par l’Etat syrien contre les dissidents politiques… et oui, les yeux et les oreilles de Mr. Assad sont partout : sa police secrète ne rigole pas (quoique supra repérable avec leurs blousons de cuir), et l’on peut se prendre 3 ans de trou à rats pour avoir émis quelques critiques envers Bachar.

Amanda habite un charmant petit appartement ayant vue sur Damas, et entouré des dômes d’anciennes madrasas, vestiges de l’aire mamelouk. Franchement sympa !


Nous retrouvons ce soir une floppée de jeunes stagiaires et étudiants étrangers dans un des seuls restos où l’on peut commander de l’alcool avec son repas. Autour d’un mezzé où je retrouve bon nombre de plats libanais- d’ailleurs la bouteille qui nous accompagne est un Ksara-, je découvre mes futurs compagnons de voyage : Philippe le Suisse ainsi que Josée-Anne, « Josie », la Québecoise. Ceux-ci sont fraîchement débarqués d’Amman où l’un est en stage, et l’autre étudie l’arabe.

La fin de la soirée se passe en déambulant dans la vielle ville : il est peut-être 11h du soir, mais y’a du mouvement ! Tout ça a un petit air de vacances, on sent que les gens font profiter de ce grand WE. On participe à l’agitation générale en mangeant des pâtisseries, ainsi que les glaces locales- une stagiaire italienne, en grande connaisseuse, nous fait déambuler parmi la foule… petit passage génialissime devant divers magasins de sous-vêtements : à plumes, à chansons, scintillants… on ne peut faire plus sexy ! C’est d’ailleurs assez marrant de voir ces tenues hautement érotiques pendouiller au-dessus d’une population féminine voilée et fagotée dans des longues abayas noires...

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